Edito Seafood Mag #1 : Un avis tranché

Comment avoir un avis tranché sur la qualité ?

Il n’y a pas si longtemps, le simple fait d’être rare pour un produit de la mer le rendait exceptionnel. Mais quelques Chefs audacieux parmi vous,
ont franchi le rubicon. Et patatras, on a trouvé certains plats synonymes de frugalité pour ne pas dire pauvreté comme la sardine, la morue sur detables triplement étoilées ! L’équation rareté = luxe = bon a volé en éclat car trop réductrice.

Comment faire la différence alors ?

On a réinvesti le lieu, le terroir en somme. La simple évocation d’une contrée,d’une région de tradition de pêche ou de collecte, ou pour être plus précis encore des eaux pures d’une baie préservée et voilà le résultat : un goût inimitable, un produit de qualité tout simplement. Mais à peine avons-nous eu le temps, nous pêcheurs, mareyeurs, aquaculteurs, de trouver des solutions pour vous garantir qu’une Saint -Jacques d’Erqui ne se mélange pas dans un camion à une cousine péruvienne, grâce aux AOC, aux certifications… que vous avez trouvé et vous aviez bien raison : qu’une crevette élevée en Nouvelle-Calédonie n’est pas toujours égale à une autre crevette élevée en Nouvelle-Calédonie. À bout de souffle, on a fini par désigner les experts : vous et vous faire goûter nos produits. À peine un chef connu et reconnu choisissait-il notre « ingrédient » qu’on exhibait son menu comme un trophée. Conclusion : nous nous sommes tous présenté à vous avec des produits d’une « incomparable qualité », des garanties de « la plus haute  qualité », des poissons « les plus raffinés au monde », en deux mots : le meilleur du monde ! Tous les pêcheurs et les éleveurs de la mer que j’ai eu la  chance de rencontrer sont, comme moi, convaincus et heureusement de faire le meilleur du monde et c’est bien ainsi. Pas de place au cynisme.

Mais bon, concrètement comment vous faites, vous pour trancher ?

Qwehli est né de cette question et de la conviction qu’en 2018, la qualité ne se décrète pas elle se démontre. Elle doit se décortiquer. D’abord, la qualité n’est pas une simple affaire de goût. Et pardonnez-moi mes chers Chefs au palais redoutablement entraîné, vous n’avez pas ce monopole du goût. Nous avons tous un goût et il change en fonction des époques, des convives, de l’ambiance, de l’âge. La qualité ne se réduit pas non plus au goût. La qualité d’un produit de la mer c’est aussi sa fraîcheur, son aspect, son bilan carbone, ses valeurs nutritionnelles et tout ceci est le résultat de choix et de décisions : choix de moments de pêche ou de collecte, de technique de pêche, de méthode de tuerie plus ou moins sauvage, de lieux de débarque, de solutions de conservation et la liste est longue. Notre travail chez Qwehli ressemble plus à celui d’une expédition curieuse, engagée sur des bateaux, dans de grandes cages en mer, dans un atelier de filetage à Keroman, à l‘intérieur d’une cellule de cryogénie. Notre métier est celui d’un journaliste qui se doit de vous raconter le plus fidèlement possible, de vous décortiquer la qualité afin que vous puissiez trancher.

Un magazine est devenu pour nous une évidence et sommes heureux de partager ce premier numéro, pour nous permettre de jouer chacun notre rôle dans cette formidable aventure : Servir la Mer est un art.

Azmina Goulamaly, Présidente de QWEHLI